Pourquoi ai-je de la chance ?

Il est 05h30 et je suis réveillée pour travailler. Je n’ai pas d’autre choix en cette période de confinement, je le vis seule avec un enfant de 4 ans. Donc, les seuls moments en journée où je peux travailler sont : le matin avant 7h, pendant les 2 heures de sa sieste et le soir à partir de 21h. Le reste du temps lui est consacré, enfin, lui et les courses, bien sur, que je dois faire avec lui puisque nous sommes seuls, et la préparation des repas, et le ménage, et l’organisation de ses activités, etc…

 

Ah, et j’oubliais un petit détail, pendant ce confinement, j’ai été malade bien sur, je n’ai pas échappé au Covid 19. Mon fils l’a eu aussi mais nous sommes chanceux tous les deux, nous n’avons eu aucune complication.

 

Mais, j’avoue qu’un soir où je toussais un peu beaucoup, il a fallu que je pense à la suite : et si je dois être hospitalisée ? Qui prendra mon fils (en sachant qu’il était malade aussi bien sur) ? Impossible d’envisager ma mère qui l’aurait pris à la seconde bien sur puisqu’elle fait partie des personnes à risque. Et il n’y a pas que cela. Quand vous avez une maladie dont on vous dit qu’elle est potentiellement mortelle, les idées noires viennent vite, surtout la nuit : Et si je ne m’en sors pas ? Qui élèvera mon fils ? Et alors, il serait orphelin à 4 ans (non, si vous vous posez la question, il n’a pas de papa) ?

 

Enfin, bref, je vous épargne les questions que toutes les mères seules (je ne parle pas des mamans divorcées qui ont encore d’autres angoisses) ont forcément un jour.

 

Et depuis, j’entends une phrase magnifique : « oh mais c’est GENIAL, tu as de la CHANCE ! », puisque je suis potentiellement immunisée (alors j’entends tous les sons de cloche là dessus, donc, je ne m’emballe pas, mais oui, tant qu’à faire après avoir vécu cette angoisse là, j’aimerais autant y avoir gagné le totem d’immunité).

 

Et j’ai pensé à autre chose. Depuis le début du confinement, je n’entends parler que de cela : de CHANCE !

 

  • Oh, eux, ils ont de la chance, ils ont une maison avec un jardin,
  • Oh, eux, ils ont de la chance, ils sont salariés, ils ont droit au chômage technique,
  • Oh eux, ils ont de la chance, ils ont droit à un arrêt de travail, ils n’ont pas à télétravailler,
  • Oh, eux, ils ont de la chance, ils peuvent travailler et sortir de la maison.

 

Et je vous avoue que moi aussi, je ne suis pas mieux que les autres, j’ai pensé tout cela :

 

  • oh eux, ils ont de la chance, ils ont plusieurs enfants, ils peuvent jouer ensemble (oui, mais ils ont aussi à gérer toutes les engueulades permanentes des gosses, ce que moi, je ne connais pas),
  • oh eux, ils ont de la chance, ils sont en couple, si un des deux est malade, l’autre peut s’occuper de l’enfant (oui, mais ils ont aussi parfois des difficultés de couple qui rend le confinement infernal, ce que moi, je ne connais pas),
  • oh eux, ils ont de la chance, ils ont un salaire à la fin du mois (alors que moi, mon activité a plus ralentie, je ne sais pas ce que donneront les prochains mois, et je n’ai droit à aucune des aides annoncées. Oui, mais moi, je ne risque pas d’être licenciée après tout cela, parce que oui, bien sur, il y aura des licenciements),

 

J’ai même envié ma sœur qui a un mini balcon parce qu’elle peut prendre son café dessus et j’ai pensé « oh la chance !! ».

 

Et je sais aussi que d’autres ont pensé en me voyant :

 

  • oh elle, elle a de la chance, elle vit à côté d’un bois, elle peut se promener sans danger alors que nous, on est bloqués dans Paris (ce qui est vrai),
  • oh elle, elle a de la chance, elle a un appartement confortable uniquement pour elle et son fils alors que nous, on est entassés à 5 dans 50m2 (ce qui est vrai)

 

Et je ne supporte plus cette litanie, ce « ils ont de la chance », sous entendu « pour moi, c’est plus dur !! ».

 

Hier, j’ai participé à une visioconférence avec les institutions de ma profession et l’un des participants faisait son confinement dans sa maison de campagne. Il était dehors, il y avait un beau ciel bleu, c’est vrai que cela faisait rêver. Une des premières choses qu’il a dites était « on est partis avec ma famille avant l’annonce du confinement ». Personne n’avait rien dit mais je me suis dit « oh, il se sent obligé de désamorcer les éventuelles critiques sur sa situation ».

 

Et je n’en peux plus de cela. Mais vraiment plus. Ce confinement est dur POUR TOUT LE MONDE. Alors, bien sur, qu’objectivement, c’est plus facile si vous avez un jardin, bien sur, c’est plus facile si vous avez un salaire qui tombe, bien sur, c’est plus facile si vous êtes deux pour vous occuper des enfants (et encore, dans certains cas, on le sait, c’est encore les femmes qui font la majeure partie du boulot), mais cela reste dur pour tout le monde.

 

Je discutais avec une amie qui fait son confinement seule et elle me disait « oh mais tu sais, je ne suis pas à plaindre ! Je n’ai pas à m’occuper de quelqu’un, je bosse tranquillement, ça va ! » Et mon cœur s’est serré, je dois l’avouer. J’ai pensé que pendant ce confinement, elle n’aurait personne à serrer dans ses bras, personne qui lui ferait un sourire autrement qu’au téléphone, personne à embrasser ; alors que oui, moi, pendant ce confinement, j’ai tout cela et j’ai une chance infinie.

 

Et est ce qu’on parle ici des gens pour qui c’est vraiment dur ou pas ? Je n’ai pas envie de faire du grandiloquent mais mes petits problèmes d’avocate parisienne (même malade) sont indécents quand je lis les histoires de ceux qui vivent dans des logements insalubres, ou entassés à 5 dans 11m2, ou oui, qui doivent travailler comme les caissières, les agents d’entretien, et autres professions qui n’ont pas droit aux applaudissements le soir et bien sur, les soignants (mais pour eux, il faudrait encore un article dédié).

 

Alors, pourquoi cet article, me direz vous ? Juste pour vous demander la prochaine fois que vous penserez « oh, il/elle a de la chance ! » à pourquoi vous aussi, vous avez de la chance et vous verrez, cela rend tout cela un tout petit plus supportable.

 

Parce que, oui, en ce qui me concerne, je sais que j’ai beaucoup de chance.

 

(je sais que cet article n’a aucune dimension professionnelle mais j’avais vraiment envie de partager mon humeur du moment. Pardon d’avance à ceux qui trouve cela déplacé).

(Par ailleurs, je ne parle pas ici du vrai drame de ce confinement parce que j’avoue que je ne trouve pas les mots. Perdre un proche ainsi et ne même pas pouvoir l’accompagner ou lui dire adieu est tout simplement insoutenable).

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Michel Virginie

Merci pour ces mots justes et plein de sagesse, de bienveillance et d’humilité. Je vous reconnais bien là… Force et courage à vous et votre petit amour…

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Sandra Azria

Bonjour Virginie,

Merci, merci, merci de vos mots si généreux.J’ai aussi des moments de doute et d’abattement..;-)) mais j’essaye toujours de chercher la lumière dans les moments difficiles. J’espère que tout va bien pour vous et vos proches. Je vous embrasse.

Réponse
Laura

Sandra !
mais je ne savais pas pour le Covid!!! toi et Jo! j’en ai des bouffées de chaleur!
heureusement tout va bien.
Ton article est si vrai…
A quand un livre, pourquoi pas? 😘😘

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Sandra Azria

Oh merci Laura !!! Et oui, c’était un mauvais moment mais encore une fois, on a eu de la chance, c’était vraiment une version light !!! Et merci pour ton avis sur mon article, cela me touche beaucoup..Et un livre ??? C’était mon rêve quand j’étais ado, et puis, je me suis mise à écrire du droit..;-)) D’ailleurs, j’ai même écrit un VRAI LIVRE de droit..;-))

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Anissa GUERMOUDJ

Waou, c’est toujours un plaisir de te lire Sandra ! Ton texte est beau, j’adhère complètement.
Effectivement on cherche toujours l’herbe plus verte chez le voisin, et on en oublie de voir que chez nous il y a aussi des fleurs.
Savourons chaque instant de petit bonheur que la vie nous offre. Pour cela encore faut il ouvrir les yeux (du coeur) et accepter ces moments sans jugement.
Tout mon courage , toute mon admiration, toute ma force pour toi et ton fils.
😚😚

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Sandra Azria

Bonjour Anissa,

Merci une fois de plus de ta bienveillance et de ta générosité à mon égard. Et MERCI de tes mots de soutien !! tout va beaucoup mieux maintenant, j’espère que tout va bien pour toi et tes proches. Je pense bien à vous et je t’embrasse.

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Céline

Mince, je ne savais que tu avais le Covid, de toute façon, quoiqu’il arrive, si besoin, on le prend ton beau Joseph, tu pourras toujours compter sur nous….

J’ajoute, j’ai de la chance de te connaitre 🥰❤️

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Sandra Azria

alors toi, comme toujours, tu es d’une telle générosité !! Parce que je t’assure que sur le coup, je ne savais pas trop vers qui me tourner !!! et oui, je n’ai pas prévenu, d’abord, on n’est jamais vraiment surs (on ne saura vraiment qu’avec un test !) et puis à quoi bon stresser tout le monde ?? Et si tu as de la chance de me connaître, je sais depuis longtemps que j’ai de la chance de t’avoir comme amie !! J’espère que tout va bien pour Z. et toi ? (tu as eu des remarques sur ta chance de la terrasse ou pas ???;-))))).

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JEANDEL

Magnifique Sandra, comme à ton habitude.
Remets toi bien et profitez à fon de vous deux.
Grosses Bises

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Sandra Azria

Bonjour Anne-Sophie, désolée, j’ai tardé à répondre à tout le monde (j’ai encore plus de chance que je ne le pensais, j’ai eu tellement de messages !!!!). Merci, merci et merci ! Tout va mieux maintenant et j’espère que toi et tes proches avez été préservés.. Je t’embrasse bien fort et te dis à bientôt.

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DEMANGE MARIE HELENE

Bonjour Sandra,

On n’ est pas des amies, mais je suis tellement heureuse et j’ ai eu beaucoup de CHANCE de te rencontrer, je ne t’ oublierai jamais et ton texte m’ a beaucoup touché car j’ ai beaucoup de CHANCE sur cette période de confinement d’ être avec les gens que j’ aime et j’ ai une grande terrasse 🙂

Si vous souhaitez venir à la campagne tous les deux, avec plaisir.

Merci Sandra

Réponse
Sandra Azria

Bonjour Marie-hélène,

J’espère tout d’abord que tout va bien pour toi et tes proches et que vous avez été préservés. Alors, on n’est pas peut-être pas amies au sens classique du terme (oui, on ne se voit pas et on ne s’appelle pas) mais tu fais partie des personnes dont je garde un souvenir magnifique. Tu es une belle rencontre et oui, une fois de plus, j’ai de la chance. Je m’en rends encore plus aujourd’hui quand je vois les réponses que j’ai avec cet article. Et merci, merci, merci pour ton retour sur mon article. Je suis bien contente que tu puisses profiter des gens que tu aimes avec une jolie terrasse. Et je note pour plus tard ta généreuse invitation !! J’espère encore que tout va bien et je t’embrasse bien fort.

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Nadiege Chapus-Dinelli

Chère Sandra
Je me souviens que tu m’as ramené des pétales de fleurs de cerisier du Japon, quand nous étions au CEFAC. Je n’ai pas oublié ta gentillesse et tes compétences.
Joseph a déjà 4 ans (l’âge de mon petit-fils). Il doit être plein de vie. Quand tout cela sera terminé, je serais heureuse de vous accueillir à Bécon les Bruyères ou en Bretagne. J’imagine que Joseph serait heureux de gambader sur les plages. Je t’embrasse. Tu peux m’appeler au 06 74 91 29 69 – Nadiège
Pour ma part, je suis aussi confinée à Bécon les Bruyères (un quartier de Courbevoie). .
Quand tout cela sera terminé, je serais heureuse de t’accueillir

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Sandra Azria

Chère Nadiège,

Pardon, pardon d’avoir tellement tardé à te répondre. Et tu te souviens des pétales de fleurs de cerisier, cela me touche vraiment. Les années passées au Cefac resteront vraiment parmi mes meilleurs souvenirs professionnels pour les belles rencontres que j’y ai faites et dont tu fais partie. Je te revois toujours fidèle au poste, discrète, prévenante, généreuse. Et merci de penser à mon fils, là aussi, cela me touche infiniment. J’espère que tout va bien pour toi et ta famille, cela ne doit pas être simple d’être éloignée d’eux et de vivre le confinement seule. Et oui, ce serait un grand plaisir de te revoir, de te présenter mon fils et de rencontrer tes petits enfants. Je t’embrasse bien fort.

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Françoise Lautard-Paulhac

Chère Sandra,
Je vous ai cherché pas sur les routes mais sur les méandres du net…
Je vous ai trouvé et que de plaisirs à vous lire, une écriture si douce et filante.
Je voudrais juste parler de CHANCE celle de vous avoir rencontré à la CCI de Toulouse, CHANCE de tomber sur une « belle » personne, à l’écoute et très professionnelle. CHANCE pour ceux qui vous connaissent. CHANCE pour votre petit Joseph qui je me doute grandit bien, déjà 4 ans.
Je ne vous oublie jamais et depuis que je suis à la retraire et oui c’est arrivé, CHANCE de pouvoir faire les activités qui me plaisent, la peinture, l’écriture (mon livre n’est pas encore terminé).
Je vous souhaite de bien vous remettre de ce virus et que mon message vous trouve en forme…
Plein de courage à vous et votre petit bout de choux.
Bien à vous

Réponse
Sandra Azria

Chère Françoise,

Quel bonheur de vous retrouver ici et merci de m’avoir cherché !! J’ai tellement pensé à vous ces dernières années, je me demandais vraiment comment vous alliez, si vous aviez pu trouver un peu de sérénité et quel bonheur de lire que oui !!! Vous méritez tellement après les épreuves que vous avez surmontées de souffler, de profiter d’un peu de douceur de vivre et de moments agréables en faisant des choses qui vous plaisent. J’espère pouvoir vous lire aussi bientôt !! Quel merveilleux projet d’écrire un livre !! Et MERCI de vos mots si généreux à mon égard, merci de ne pas m’avoir oublié et de penser aussi à mon petit (et oui, il grandit !! trop vite à mon goût comme toutes les mamans). Je ne sais pas si vous êtes toujours dans la région de Toulouse mais j’y vais de temps en temps et je vous y croiserai avec un grand plaisir. Je vous embrasse.

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